L’histoire de la drogue à travers le monde
Depuis des millénaires, les drogues occupent une place centrale dans l’histoire humaine. Elles ont servi à des fins médicinales, rituelles ou récréatives, tout en suscitant fascination et controverse. À travers les âges et les cultures, leur usage a évolué, façonnant les sociétés et leurs dynamiques. Retracer l’histoire de la drogue, c’est explorer la relation complexe entre les hommes et ces substances, entre besoins, croyances et contrôle social.
Les premières traces : des plantes aux rituels sacrés

Les drogues naturelles, issues des plantes, ont accompagné l’humanité dès la Préhistoire. Les archéologues ont retrouvé des traces de pavot, source d’opium, datant de plus de 6 000 ans avant notre ère. Ce dernier était utilisé pour ses propriétés analgésiques et soporifiques.
En Mésopotamie, les Sumériens qualifiaient l’opium de « plante de la joie ». Dans l’Égypte antique, cette substance servait à soulager les douleurs ou à traiter certaines maladies. De même, les peuples amérindiens consommaient le peyotl, un cactus hallucinogène, dans des rites spirituels destinés à entrer en contact avec les divinités ou les ancêtres.
En Chine, le chanvre (cannabis) apparaissait dans des textes médicaux dès 2 700 avant J.-C. Cette plante polyvalente, utilisée pour fabriquer des cordages et des vêtements, servait aussi comme remède contre divers maux.
Antiquité et drogues médicinales
L’Antiquité marque une étape où l’usage des drogues s’organise et se codifie. Les Grecs et les Romains utilisaient l’opium pour traiter des affections diverses. Hippocrate, considéré comme le père de la médecine, reconnaissait ses propriétés thérapeutiques. Parallèlement, les élixirs et potions contenant du vin, mélangé à d’autres substances, étaient fréquents dans les cérémonies religieuses et les pratiques médicales.
En Inde, les textes sacrés du Véda évoquaient une mystérieuse substance appelée « soma », un breuvage aux effets stimulants et hallucinogènes, utilisée dans les rituels religieux. Bien que sa composition exacte reste inconnue, elle témoigne de l’importance spirituelle accordée aux drogues dans certaines civilisations.
Moyen Âge : entre médecine et controverse
Au Moyen Âge, l’usage des drogues persiste mais s’entoure de méfiance. En Europe, les plantes psychotropes comme la belladone ou la mandragore étaient utilisées par les guérisseurs, souvent à des fins médicinales. Cependant, leur usage pouvait être associé à la sorcellerie, ce qui les rendait suspectes aux yeux des autorités religieuses.
Pendant ce temps, dans le monde islamique, l’opium et le cannabis jouissaient d’une grande popularité. La médecine arabe, très avancée à cette époque, exploitait leurs propriétés pour soulager la douleur et traiter des maladies. Le cannabis, sous forme de « hashish », devint également un produit récréatif prisé, malgré les interdits religieux.
Renaissance et découverte du Nouveau Monde
La Renaissance marque une période d’exploration et de diffusion des drogues. Les grandes découvertes, comme celle de l’Amérique, introduisent en Europe de nouvelles substances, telles que le tabac ou le cacao. Les peuples autochtones des Amériques utilisaient le tabac à des fins médicinales et spirituelles. Les Européens l’adoptèrent rapidement, en vantant ses bienfaits supposés pour la santé.
L’opium, quant à lui, continua à jouer un rôle central. Paracelse, un médecin suisse, développa le « laudanum », un mélange d’opium et d’alcool qui devint un remède incontournable en Europe.
Époque moderne : la globalisation des drogues
L’époque moderne, avec l’expansion du commerce international, a accéléré la circulation des drogues. Les empires coloniaux exploitèrent les ressources des territoires conquis, y compris les plantes psychotropes.

Le tabac devint l’un des produits les plus lucratifs pour les colonies américaines. Simultanément, l’opium prit une dimension économique majeure en Asie. Les Britanniques, par exemple, cultivèrent massivement cette substance en Inde pour l’exporter en Chine, où elle causa une dépendance massive. Cette situation aboutit aux guerres de l’opium (1839-1842 et 1856-1860), lors desquelles la Chine tenta de limiter l’importation de cette drogue, sans succès face à la pression occidentale.
Pendant ce temps, en Europe, les avancées scientifiques permirent d’isoler les composés actifs des drogues. Ainsi, la morphine, extraite de l’opium en 1804, révolutionna le traitement de la douleur. Quelques décennies plus tard, la cocaïne, dérivée des feuilles de coca, fut synthétisée et utilisée dans des produits médicinaux et récréatifs.
XXe siècle : prohibition et criminalisation
Le XXe siècle marque un tournant dans l’histoire des drogues, avec une montée en puissance des mouvements prohibitionnistes. Dans de nombreux pays, la consommation de drogues commença à être perçue comme une menace sociale, notamment sous l’influence de courants moralistes.
Les premières lois de restriction apparurent aux États-Unis, où l’opium fut progressivement interdit au début du siècle. En 1937, le cannabis subit le même sort avec le Marijuana Tax Act.
Sur le plan international, la Société des Nations (ancêtre de l’ONU) initia les premières conventions pour réglementer les drogues, établissant une distinction entre usage médical et récréatif. Ces efforts culminèrent avec la création de la Convention unique sur les stupéfiants de 1961, qui établit les bases du contrôle mondial des drogues.
Parallèlement, certaines drogues légales comme l’alcool ou le tabac restèrent largement acceptées, malgré leurs effets souvent comparables aux substances interdites.
La contre-culture et l’explosion des drogues récréatives
Les années 1960 et 1970 furent marquées par une explosion de la consommation de drogues dans les pays occidentaux, notamment dans le cadre des mouvements de contre-culture. Le cannabis, le lsd et d’autres hallucinogènes devinrent des symboles de contestation sociale et d’expérimentation spirituelle.
Cependant, cette période vit également l’émergence de drogues synthétiques comme les amphétamines, ainsi que l’essor de la cocaïne dans les milieux festifs et artistiques.
Face à cette situation, les gouvernements adoptèrent des politiques de plus en plus répressives, notamment avec la « guerre contre la drogue » lancée par les États-Unis dans les années 1980. Cette approche, basée sur la criminalisation et la répression, eut des effets limités sur la consommation mais contribua à surcharger les systèmes carcéraux.
XXIe siècle : vers une approche plus nuancée
Aujourd’hui, l’histoire de la drogue continue de s’écrire, avec des évolutions notables dans les mentalités et les politiques publiques. Si la répression reste dominante dans de nombreux pays, d’autres optent pour des approches alternatives, axées sur la réduction des risques et la légalisation partielle.
Des pays comme le Portugal ont dépénalisé l’usage de toutes les drogues, favorisant l’accompagnement médical des consommateurs. Le cannabis, quant à lui, connaît une vague de légalisation, notamment en Amérique du Nord, où le Canada, l’Allemagne et plusieurs États américains ont ouvert la voie à une régulation stricte de son marché.
Par ailleurs, la recherche scientifique sur les substances psychédéliques, comme le psilocybine ou le mdma, suscite un intérêt croissant. Ces drogues, longtemps diabolisées, montrent un potentiel thérapeutique prometteur dans le traitement de troubles mentaux comme la dépression ou le stress post-traumatique.
A l’inverse, le système libertarien aux Etats-Unis à causé la crise du fentanyl. C’est un opioïde synthétique extrêmement puissant, qui a causé une crise sanitaire majeure aux États-Unis. En raison de sa forte capacité à provoquer des overdoses, il est responsable de milliers de décès chaque année. Les lobbies pharmaceutiques exercent une forte pression pour engranger toujours plus de bénéfices au détriment des usagers. Cette épidémie a mis une pression énorme sur les systèmes de santé et les forces de l’ordre, exacerbant la crise des opioïdes dans le pays.
Conclusion
L’histoire de la drogue, riche et complexe, illustre la diversité des usages et des perceptions de ces substances à travers le temps. Des rituels sacrés aux politiques prohibitionnistes, elles reflètent les dynamiques culturelles, économiques et sociales des civilisations.
Comprendre ce passé permet d’éclairer les enjeux actuels, notamment en matière de santé publique et de législation. Alors que le monde reconsidère son rapport aux drogues, il devient crucial de s’appuyer sur les leçons du passé pour élaborer des politiques plus équilibrées et efficaces.